Retail pricing vs yield management
Le pricing est un des plus grands casse-têtes pour les entreprises. Il n’est donc pas étonnant d’observer des approches radicalement différentes parmi les acteurs scientifiques et économiques.
Jeune ingénieur, j’ai commencé ma carrière chez Amadeus, le GDS (Global Distribution System) européen et spécialiste du yield management (ou revenue management). J’ai pris la mesure de la complexité derrière le calcul des prix des billets d’avion ; complexité que j’avais à peine entrevue en tant que consommateur.
Quelques années plus tard, me voilà chez Mercio, le spécialiste du pricing retail. J’étais plutôt confiant sur le fait de pouvoir réutiliser ma connaissance du yield management pour le pricing retail mais à la réflexion, ça n’a pas été aussi simple que cela. Les spécificités du retail, et en particulier du retail physique, obligent à penser le prix différemment. Beaucoup d’éditeurs ont adapté le yield management à l’e-commerce (et ils ont eu raison), mais cette méthode présente rapidement des limites lorsqu’il s’agit de faire du pricing en magasin, pour des produits présents en rayon.
Les différentes approches ne se font pas concurrence, chacune correspond à un besoin business. Entre l’achat d’un billet d’avion en ligne et celui d’une perceuse en magasin, tout diffère : la comparabilité des prix, la fréquence de repricing possible, l’impact du prix sur la fidélisation à l’enseigne/la compagnie aérienne, la périssabilité de l’offre… Une méthode de pricing pourra donc être particulièrement efficace pour le premier produit, mais totalement hors sujet pour l’autre.
Dans cet article, nous étudions l’origine des deux approches et analysons la pertinence de chaque approche dans différents contextes business.
Un peu d’histoire sur ces deux approches du pricing
The yield management est apparu en 1985 dans le transport aérien chez American Airlines. Cette dernière a développé et mis en place la toute première version de ce système de calcul de prix pour répondre à la concurrence nouvelle des compagnies low-costs, et en particulier de la défunte People Express Airlines. Le succès de cette innovation business chez American Airlines a favorisé son développement rapide dans l’aérien, mais aussi dans l’industrie du tourisme plus généralement (train, hôtel, location de voitures…).
Ce succès du yield management a été accompagné de nombreuses améliorations techniques incrémentales (amélioration des modèles mathématiques par exemple) ou plus radicales comme le pricing dynamique (dynamic pricing).
The retail – ou commerce de détail – se base sur l’achat de biens en gros pour ensuite les revendre au détail. Plusieurs biens ou services sont vendus de cette manière, parmi lesquels on retrouve les produits alimentaires (un peu plus de 100 milliards en 2020), les produits de bricolage (31 milliards d’euros en 2020) ou de nombreux autres biens de consommation (cosmétiques, jouets, sport, électronique…).
Sur ce marché du commerce de détail estimé à presque 1 trilliard d’euros en France en 2020, 85,9% des ventes sont réalisées dans les magasins physiques. Même si l’e-commerce connaît une forte progression ces dernières années, la grande majorité des achats dans le retail sont faits dans des magasins physiques. Ce modèle de commerce historique reste donc d’actualité : le consommateur se rend en magasin, se déplace dans les rayons, sélectionne ses articles en libre-service et paie à la caisse.
Historiquement laissé à l’intuition du commerçant, le pricing dans le retail a également fait l’objet de nombreuses études théoriques ces dernières décennies et présente des mécanismes significativement différents du yield management.
Pricing d’un bien physique vs service touristique
La nature des biens ou services vendus, ainsi que les contraintes associées à la vente elle-même, ont un impact sur la manière de calculer le prix d’un produit.
Trois différences importantes sont à noter entre les biens vendus dans les commerces de détail et dans l’industrie du tourisme utilisant le yield : les ressources disponibles, la péremption des produits et le timing de l’achat.
Possibilité de réassort
Par définition, un retailer achète en gros pour revendre ensuite les marchandises au détail. Le plus souvent, le commerçant représente une part marginale des ventes de l’industriel ; le produit peut être considéré comme disponible à volonté pour le commerçant – un réassort étant théoriquement toujours possible.
En pratique, une commande de quantités supplémentaires d’un produit donné est possible ; elle aura un impact sur les prix d’achats. En temps normal, la commande d’un volume plus important est bénéfique à l’acheteur et permet de négocier les prix à la baisse ; mais l’effet inverse arrive parfois en cas de pénurie (par exemple, les masques en mars/avril 2020).
Assurer une bonne disponibilité des stocks au bon moment, au bon endroit est un challenge important pour les retailers ; la disponibilité en magasin étant au cœur du métier des distributeurs, ces acteurs ont développé une logistique qui permet de relever ce challenge, et ce également dans les périodes mouvementées comme celles que nous avons connues récemment. Cependant, de l’argent, du temps et une bonne logistique permettent au commerçant de bénéficier de stocks supplémentaires. L’enjeu étant ensuite d’assurer une bonne revente de ces produits.
Là où le yield management est pertinent, les ressources sont finies et ne peuvent pas être augmentées facilement. Par exemple, un hôtel a un nombre de chambres fixe et ne pourra louer, chaque jour, qu’au maximum ce nombre de chambres. Même dans l’hypothèse où le prix de la chambre pourrait être augmenté significativement pour une nuit, aucune solution immédiate n’est possible pour accueillir plus de personnes dans cet hôtel.
Le même raisonnement s’applique également dans les transports (aérien, ferroviaire) avec un nombre de sièges disponibles pour chaque voyage ou dans la location avec un parc de véhicules défini.
Périssabilité
Comme évoqué ci-dessus, la gestion des stocks dans le retail est primordiale – et d’autant plus difficile lors d’une période de crise sanitaire – pour le succès d’une enseigne.
Ne pas avoir assez de stocks amène son lot de problèmes (cf. ci-dessus), en avoir trop est également problématique : des produits ne sont pas vendus, occupent une place précieuse dans les rayons ou entrepôts et peuvent finir par être jetés ou vendus à prix cassés.
Une bonne anticipation et rotation des stocks permet de limiter la « casse » – terme utilisé pour désigner les produits achetés à un tarif normal, mais qui n’ont pas été vendus à leur prix usuel – pour les produits en fin de vie.
Dans l’alimentaire, c’est entre 0,5% et 1% du chiffre d’affaires qui est « perdu » avec ces produits périmés. Plusieurs solutions émergent pour limiter le gaspillage (sites de déstockage en ligne, dons à des associations avec déductions fiscales…), boostées par la loi AGEC de février 2020.
Contre-intuitivement, l’alimentaire n’est pas le secteur avec le taux de casse le plus important ; les secteurs sujets aux phénomènes de mode comme l’habillement (4,1% d’invendus) ou le jouet (2,9% d’invendus) montrent des taux de rotation beaucoup plus importants dans leurs inventaires pour continuer à proposer les produits du moment, et donc une part plus importante d’invendus en proportion du chiffre d’affaires.
Il est à noter que pour les produits non-périssables (jouets, vêtements, …), la date de suppression des rayons reste à la discrétion de l’enseigne (lancement de la nouvelle collection été/hiver par exemple). Il n’y a donc pas d’échéance forte si ce n’est celle qui s’impose à l’enseigne pour rester pertinente en termes d’offres pour ses clients.
Pour les services touristiques dont les prix sont définis par une logique de yield management, chaque stock a une date de « péremption » rédhibitoire :
- Les places non vendues une fois que l’avion a décollé sont perdues à tout jamais
- Les chambres d’hôtels non occupées sont définitivement perdues le lendemain
- Les voitures non louées avant l’heure de fermeture de l’agence resteront sur le parking et ne généreront aucun revenu pour cette journée.
Chaque invendu a bien sûr un coût pour l’entreprise et représente surtout une opportunité manquée de revenus. L’enjeu des invendus dans le yield est primordial, car on observe des taux bien supérieurs au retail avec, par exemple, quasiment 20% d’invendus dans l’aérien (chiffre avant COVID, qui est monté à 40% avec la crise sanitaire) ou entre 20% et 50% d’invendus dans l’hôtellerie (avec une forte variation en fonction des saisons touristiques ; taux qui est monté à plus de 90% en Europe durant le COVID).
Différentes techniques sont utilisées pour optimiser ces taux de remplissage (promotions de dernière minute, surbooking…). Et bien entendu, l’optimisation tarifaire se doit de prendre en compte ce taux d’invendus comme un facteur de premier ordre dans le calcul du prix.
Temporalité de l’achat
Une autre différence importante entre les deux types de biens vendus est l’écart temporel entre l’acte d’achat et la prise de possession du bien.
Dans le retail, les produits passent en possession du consommateur à l’instant où il règle à la caisse. Pour certains services, l’acte d’achat est bien antérieur au moment où le consommateur obtient la contrepartie de sa dépense. Cette anticipation de l’acte d’achat permet au vendeur :
- D’avoir des données historiques d’achat pour une ressource donnée
- De segmenter les clients en fonction du moment où ils achètent (ceux qui anticipent beaucoup et ceux qui s’y prennent au dernier moment)
- De rendre acceptable une personnalisation du prix en fonction de la durée entre l’achat et le service effectivement rendu (et non simplement « à la tête du client »).
Les algorithmes de yield management peuvent donc optimiser le prix d’une même ressource pendant sa durée de vie – de l’ouverture à l’achat jusqu’à sa péremption – afin de maximiser les revenus qui en sont tirés.
Il est à noter que le timing de l’achat est un critère aussi important que les deux précédents pour l’application du yield management. Un exemple frappant est celui des restaurants : c’est un service du secteur du tourisme qui répond aux deux critères précédents – nombre de tables limité et non extensible et une péremption des tables non pourvues à la fin d’un service. Cependant, le timing de l’achat rend impossible l’application du yield management dans ce secteur.
Cette différence de nature entre les biens vendus dans le retail et dans le yield – ressources disponibles, péremption et timing de l’achat – tirent des différences dans le calcul du prix.
Avant d’analyser cette différence de philosophie dans le pricing, passons en revue d’autres différences importantes concernant l’impact de la concurrence, la cohérence des prix et enfin les contraintes opérationnelles.
Le poids de la concurrence
Dans un marché où le consommateur dispose de différentes alternatives dans l’offre et est libre d’acheter auprès de l’enseigne qu’il préfère, la concurrence (ou l’absence de concurrence) a un impact sur le prix.
Cependant, alors que les prix dans le retail ne peuvent s’envisager sans prendre en compte la concurrence, le yield accorde moins d’importance à la concurrence et est généralement un facteur de 2ème ordre sur le prix.
Cette différence dans la prise en compte de la concurrence est dûe à 3 principales caractéristiques du marché au sens large : la comparabilité des produits, la connaissance des prix par le consommateur et la fidélité client.
Comparabilité des produits
Par définition, dans le commerce de détail, les produits vendus par une enseigne – et achetés en gros à un fabricant – sont également vendus par d’autres concurrents sur le marché. Cette possibilité de retrouver exactement le même produit pour le consommateur dans un autre magasin, permet au consommateur de comparer les prix.
Cela est plus difficile dans les secteurs soumis au yield, certes les moyens mis à disposition du client pour accéder et comparer les différentes offres sont multiples, mais chaque service est unique. Un seul avion peut décoller/atterrir à une heure donnée d’un aéroport donné, un autre hôtel sera nécessairement différent en termes de service, de localisation, etc.
Plusieurs retailers développent un assortiment unique à leur enseigne, connu sous le nom de marque de distributeur (MDD). Le produit exact n’est donc disponible que dans une seule enseigne et pas chez ses concurrents. Cependant, des produits semblables chez les concurrents existent souvent et répondent au même besoin client ; le consommateur garde la possibilité de comparer les prix.
Connaissance des prix par les acheteurs
Chacun a une bonne connaissance des prix des produits qu’il achète fréquemment.
La fréquence des achats alimentaires rend ce secteur particulier ; le client se rend régulièrement en magasin et découvre les prix à ce moment-là. Il y a donc un fort enjeu pour la grande distribution alimentaire d’attirer des nouveaux clients en magasins et les promotions sont utilisées dans cet objectif. Une fois en magasin, le client achète les produits dont il a besoin – se rendre dans une autre enseigne sans rien acheter représente un coût important – et il se fera une idée de la cherté de l’enseigne sur la base des prix qu’il connaît par ailleurs et du prix global de son panier.
Dans les autres secteurs du retail, la découverte des prix se fait également en magasin et bien sûr sur internet. En fonction du consommateur et du type de bien recherché, les prix de différentes enseignes sont comparés différemment :
- Chaque client a une sensibilité différente par rapport au prix ; un étudiant va comparer les prix plus longuement que le membre d’un foyer à hauts revenus
- Le type de produit acheté, et en particulier son prix, va avoir une influence sur l’effort de comparaison entre les enseignes.
Plus un produit est cher, plus le client passera du temps à comparer son prix ; par exemple, une cuisine fera l’objet de plusieurs heures de recherche, mais un lot de 4 assiettes pourra être acheté sans comparaison si le prix semble juste au premier abord.
Cette démarche de comparaison des prix est plus ou moins longue et laborieuse. Elle représente un effort pour le consommateur qui décidera donc de faire, ou non, cet effort selon les produits considérés à l’achat.
Pour les produits couverts par le yield, la fréquence d’achat est en général faible (exception faite de certains types de clients comme les professionnels par exemple). De plus, la forte variabilité du prix d’un même produit dans le temps (6 mois avant le départ vs la veille) vient brouiller la connaissance des prix par le client final.
Le client n’a donc généralement qu’une idée très imprécise du prix. Quel est le prix d’un Paris – Nice en train acheté aujourd’hui pour dans 2 mois ?
Cette difficulté à comparer les prix dans ce secteur a d’ailleurs donné naissance à un nouvel intermédiaire dans la chaîne de valeur : les comparateurs de prix. Ces nouveaux acteurs occupent maintenant une place importante, car 72% des Français utilisent un comparateur pour réserver un billet d’avion.
Fidélité client
L’acquisition de tout nouveau client a un coût. Dans le retail, ce coût comprend par exemple les campagnes publicitaires pour faire connaître l’enseigne et les différents mécanismes pour convaincre un potentiel client d’abandonner ses habitudes et de venir dans un magasin pas encore fréquenté jusqu’ici (bons de réduction, évènements…).
Ainsi, la fidélisation client est un enjeu majeur pour ne pas gâcher les investissements faits pour l’acquisition des clients. Les enseignes mettent en place différents mécanismes pour développer la fidélisation (par exemple, les cartes de fidélité) mais un des premiers facteurs de fidélisation – ou au contraire d’infidélité – est le prix.
Que signifie être compétitif pour une enseigne qui vend plusieurs dizaines de milliers de produits différents dans des centaines de magasins ? Ce sujet est complexe et mérite un article à part entière ; nous nous y consacrerons bientôt !
Mais une chose est sûre, des prix dépositionnés par rapport aux concurrents sur certains produits visibles ruineront les efforts d’acquisition client…
Ce n’est pas le cas dans le yield ! Le client n’a pas toujours conscience de la valeur du service qu’il achète ; c’est le cas quand la réservation passe par une agence de voyage, où même que le client réserve via un comparateur sur internet, mais sans aller jusqu’en bas de la liste.
Et même dans le cas où le prix d’un vendeur serait fortement dépositionné par rapport aux concurrents au moment de l’achat, le vendeur n’aura pas la réputation d’un vendeur « cher » et sera reconsidéré malgré tout lors des prochains achats.
La fidélisation client reste importante dans le yield, mais elle sera développée en priorité sur d’autres facteurs que le prix : programmes pour grands voyageurs, service premium, …
Le yield peut définir le prix d’un produit de manière isolée par rapport à la concurrence. À l’inverse, le pricing dans le retail se doit de prendre en compte la concurrence dans le calcul du prix pour assurer une bonne image prix et consolider la fidélité de ses clients ; les produits ont une valeur connue par le consommateur. Cette valeur permet au client de juger si le prix d’un produit est dépositionné dans cette enseigne ou non.
Bien sûr, l’effet de la concurrence n’est pas exclu du yield mais il est utilisé comme un facteur de 2nd ordre dans le calcul des prix. Par exemple, les modèles mathématiques peuvent prendre en compte l’effet de la concurrence dans l’indice de réponse prix. Ou alors, sur une petite partie des ventes de l’entreprise comme sur des tarifs d’entrée ou des promotions.
Il est à noter que la prise en compte des prix concurrents dans le retail ne veut pas forcément dire un alignement concurrent systématique et donc une guerre des prix entre les retailers. D’autres facteurs comme la qualité du produit ou même l’expérience en magasin (propreté, conseil…) pourront être des facteurs de différenciation et donc un positionnement prix non nécessairement aligné aux concurrents, mais avec un écart de prix cohérent. Dans le retail, chaque marché, chaque enseigne, chaque catégorie de produits, aura une stratégie pricing différenciée qui s’adapte aux attentes du consommateurs.
Cohérence des prix dans un même catalogue
De même qu’un bien difficilement comparable à des biens concurrents peut définir son prix de manière indépendante de la concurrence, le degré de comparabilité a également un impact sur l’importance de la cohérence des prix au sein même de l’offre du vendeur.
Un catalogue étoffé permet de capter une part plus importante du marché en répondant à un spectre plus large de besoins, et ce quel que soit le service ou le bien vendu.
Cependant, alors que l’offre dans le yield est bien segmentée – et donc le client a peu de points de comparaison -, le retail propose plusieurs produits pour répondre à un même besoin et donc l’opportunité pour un client de choisir un produit plutôt qu’un autre.
Pour illustrer cette différence, prenons d’abord l’exemple d’un billet d’avion entre Paris et Marseille.
La même compagnie aérienne propose d’autres destinations , mais le besoin étant généralement bien défini en termes de destination – ici Marseille – le client ne considère pas ces alternatives.
Il ne comparera donc pas le billet entre Paris et Tunis de la même compagnie aérienne, même date et même classe.
La carte ci-dessous permet de visualiser les deux vols :
Dans cet exemple, on observe un rapport de 1 à 4.5 entre le prix et la distance de vol/le temps de vol entre ces deux alternatives. Cet écart est possible, car le client ne comparera pas ces deux alternatives lors de son achat. De même qu’il ne comparera pas nécessairement la business class et l’economy, ou des billets à des dates ultérieures s’il a besoin de partir sur cette période.
Cette segmentation du catalogue est un enjeu pour identifier les différents types de clients, déterminer les prix qu’ils sont prêts à payer et permet ensuite de pricer ces produits indépendamment les uns des autres.
Dans un magasin, ou sur un site e-commerce, le consommateur a devant lui plusieurs produits qui répondent au même besoin. La comparaison va s’effectuer entre les produits d’un même rayon. La confiance du consommateur va se jouer dans la cohérence entre les différences de prix et les différences de valeur perçue, et le consommateur va choisir le produit qui semble être au meilleur prix vis-à-vis de la valeur perçue.
Même sur un besoin très précis, le consommateur pourra généralement choisir entre différentes marques, qualités, volumes… Les habitudes du client peuvent l’orienter sur un produit par réflexe, mais une différence de prix plus faible ou plus importante pourra le faire basculer sur un produit plus premium ou de moindre qualité respectivement.
Afin d’assurer un bon écoulement des différents produits proposés et d’orienter les clients vers les produits à plus forte marge, les retailers doivent pricer les produits répondant à un même besoin de manière cohérente, c’est-à-dire les uns par rapport aux autres. Une difficulté additionnelle dans le retail pricing que nous ne retrouvons pas dans le yield management.
Contraintes opérationnelles dans l’application du prix
Enfin, un prix doit être applicable opérationnellement. Deux différences opérationnelles importantes apparaissent entre le yield management et le pricing dans le retail : acceptation des prix personnalisés par les clients et la mise à jour des prix.
Personnalisation des prix
La segmentation client poussée du yield permet de proposer un prix différent pour chaque client final. Ce mode de tarification – le fameux « chaque passager du même avion a payé un prix différent des autres passagers » – est acceptable pour les clients.
La forte segmentation de l’offre dans ce secteur a été déterminante pour rendre acceptable cette apparente « injustice » sur les prix. Il est compréhensible pour le client qu’un billet de train réservé longtemps à l’avance soit moins cher que le même billet réservé la veille du départ. Les canaux de vente historiques sans prix affiché – agence de voyage – ont participé à la mise en place de cette personnalisation prix. Cette acceptation de personnalisation des prix a permis aux nouveaux canaux de vente, via le web en particulier, de s’inscrire dans la continuité et de proposer un prix unique à chaque visiteur.
Cette personnalisation des prix n’est pas possible dans les magasins physiques où le prix doit être légalement affiché. Théoriquement, les prix pourraient être individualisés dans le e-commerce. La limite n’est ici pas technologique, mais psychologique ; cette personnalisation des prix dans le retail est ressentie comme une injustice forte – une impression côté consommateur que le prix est « à la tête du client » – et fait l’objet d’un rejet franc et virulent du marché.
Même la formidable machine Amazon s’est enrayée et a dû faire marche arrière sur ce sujet, en s’excusant platement auprès de ses clients (lien en anglais)
Mise à jour des prix
En plus du critère d’acceptation client, s’ajoute la mise à jour opérationnelle des prix. Il est relativement « facile » de mettre à jour les prix dans le e-commerce, car ce processus reste numérique. La mise à jour d’étiquettes papier ajoute des contraintes opérationnelles et un coût additionnel non négligeables.
Les étiquettes électroniques, en croissance, viennent faciliter cette mise à jour des prix dans les rayons, mais les étiquettes papier représentent toujours une part importante du marché et le coût de mise à jour du prix doit être considéré à chaque changement de prix. La gestion du prix pour les étiquettes papier est d’ailleurs une des questions les plus récurrentes posées à Mercio par les distributeurs, car peu d’entre eux sont totalement équipés d’étiquettes électroniques à ce jour.
A ces contraintes techniques, s’ajoute une contrainte légale qui interdit de présenter un prix en caisse supérieur au prix en rayon.
Et une expérience client qui complique la mise à jour d’un prix dans la journée. Un client faisant ses courses dans le magasin sera étonné de se faire présenter un prix en caisse différent de celui qu’il a vu en rayon.
L’e-commerce connaît ce problème et les sites se doivent d’informer le visiteur quand le prix d’un article du panier change entre sa mise dans le panier et l’acte d’achat final.
Conclusion
Le yield management et le pricing dans le retail sont deux méthodes de calcul des prix qui remplissent des objectifs différents et sont adaptées à différents contextes.
Là où le yield management va optimiser les revenus tirés d’une ressource fixe, limitée dans le temps et pouvant être à priori considérée indépendamment d’autres alternatives sur le marché – que ce soit chez les concurrents ou dans l’offre du même vendeur -, le pricing dans le retail va chercher un bon équilibre entre chiffre d’affaires, marge et fidélisation du client.
La multiplicité des contraintes – entre les produits d’un même catalogue, avec les catalogues concurrents ou imposées par la stratégie de l’enseigne – combinée à la taille des catalogues (plusieurs dizaines voire centaines de milliers de références) et le nombre de points de vente font partie des difficultés que nous remontent les distributeurs concernant le pilotage du prix dans le retail.
Et le challenge que nous relevons tous les jours chez Mercio, c’est de permettre aux distributeurs de positionner des millions de prix qui favorisent l’adhésion des consommateurs en magasin.